FRED KLEINBERG VU PAR

Françoise Sivignon

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2017
De Lesbos à Calais, ils sont mis à l’écart…

De centres de rétention en campements informels, de hotspots en bidonvilles, ils attendent dans l’incertitude, coincés entre deux procédures administratives, entre deux pays, entre deux vies.

Le parcours douloureux des exilés commence dans la contrainte, par la nécessité de fuir. Il se poursuit par des traversées inéluctables et risquées. Les exilés se perdent dans le désert sahélien, essuient les coups des trafiquants. Ils se fracassent sur les frontières européennes et s’abîment à force de se rendre invisibles. C’est leur singularité qui sombre en Méditerranée, leur identité qui s’efface lorsqu’ils se brûlent le bout des doigts pour gommer leurs empreintes.

Pas un jour ne se passe sans que l’actualité ne nous parle des exilés. Pas un jour où ne surgissent les chiffres, terribles, des morts en Méditerranée ou les récits d’évènements tragiques survenus aux frontières de l’Europe. Pas un jour sans que des images de détresse ne viennent illustrer d’abstraites statistiques.

Ces images ne suffisent pas. Face à l’injustice qui consiste à ne nommer les exilés que « clandestins », « sans-papiers » ou « étrangers », il convient de les rendre visibles. Et les représentations, quelles que soient leurs formes, participent de cette levée de l’anonymat. C’est ce que proposent les œuvres de Fred Kleinberg. Elles transforment les invisibles en individus remarquables.

Les citoyens que nous sommes, ceux qui tentent de réparer les survivants, ne se résignent pas. Les exilés se veulent vivants et visibles. Ils veulent faire société commune avec nous et nous sommes à leurs côtés dans une lutte citoyenne. Une lutte pour que les droits humains soient respectés. Car il y a là un impératif éthique : rendre aux exilés leur pleine et entière « humanité ».

Il faut donc les célébrer, célébrer leur courage, leur ténacité. Pour cela, mais aussi pour lutter contre l’ignorance et la peur, les artistes travaillent à transfigurer chaque détail du parcours des exilés, sachant transformer un abri en espace chaleureux ou un camp où les existences sont en suspens en espace d’utopie. Derrière les créations de Fred Kleinberg, à travers l’odyssée dont il trace les lignes de fuite et les obstacles, surgissent immanquablement d’urgentes questions humaines et sociales pour lesquelles les réponses politiques manquent. Puisse la création, alors, inspirer nos gouvernants.

Docteur Françoise Sivignon, 2017
Présidente de Médecins du Monde France.

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